Le Nécronomicon

Cypheros regagna son manoir d'Alboh, à Rouge-Rivière avec pour seul lot de consolation cet étrange bouquin relié de peau humaine sur lequel était inscrit « Nécronomicon » en lettres d'Or.
Même s'il avait de nouveau perdu espoir, il était fort intrigué par celui-ci.
Si fortement intrigué que, durant un instant, il effaça de sa mémoire le fait qu'il ne lui restait que peu de temps à vivre.
Mais une vive douleur dans la poitrine le lui rappela douloureusement. Il semblait que l'effet de la concoction que lui avait prescrit l'apothicaire perdait de ses effets, et une certaine raideur lui saisit les muscles.

Péniblement, il regagna le fauteuil que la douleur lui avait fait quitté, et sorti le fameux livre de sa besace.
La reliure était toujours aussi chaude. Son contenu était écrit en ce qui paraissait être du nécromancien.
Finalement, il avait fait un long voyage et avait passé tant de nuits blanches inutilement. Ce n'était pas ce bouquin extravaguant qui lui prodiguerai la recette d'un remède le sauvant des griffes de la Mort.

Alors qu'il le feuilletait sans grand intérêt, il s'arrêta soudainement sur l'une de ses pages. Finalement, peut-être n'avait-il pas visité la Bibliothèque de Lumen pour rien.
Sur cette page était dessiné un pentacle. Malgré qu'il divergeait de ce que connaissait Cypheros, il ne faisait nul doute qu'il s'agissait bel et bien d'un pentacle alchimique. Que faisait ce dessin dans un écrit nécromancien ?

Il se rappelait que son père s'était jadis intéressé à la civilisation nécromancienne, depuis longtemps disparue. Il en avait gardé un ouvrage dans sa bibliothèque, au sous-sol.
Le Seigneur de Rouge-Rivière s'éjecta hors de son trône, et prit la direction du sous-sol. Là, il déverrouilla une épaisse porte de bois lourdement cadenassée et s'engouffra dans l'escalier de pierres froides.

La nausée le saisit rapidement. Il n'était pas superstitieux, mais le simple fait de descendre dans l'endroit où ses parents étaient inhumés le mettait mal à l'aise. Il avait également l'impression qu'à tout moment, ils pourraient se lever de leurs cercueils afin de venir visiter leur fils qui leur avait fait quitter ce monde bien trop tôt. C'était ridicule et Cypheros n'était plus un enfant. Pourtant, cette idée ne le quittait jamais, même s'il savait que les morts ne revenaient pas à la vie. Enfin...probablement.

L'escalier lui paraissait interminable – sûrement parce qu'il ne l'avait pas descendu depuis voilà un certain nombre d'années. Finalement, la brise cadavérique du sous-sol l’accueilli.
Il y faisait totalement noir. Cypheros se pencha pour agripper la lanterne qui trônait à ses pieds et y craqua une allumette.
A la lumière, il voyait qu'énormément de poussière sustentait dans l'air de la pièce sordide. La brise se fit plus forte, et fit soudainement claquer la porte qui se trouvait en haut des marches.
Cypheros sursauta et tendit la lanterne vers celles-ci, espérant y voir quelque chose. Mais l'obscurité était bien trop épaisse.
Il se détendit, et refit face à la salle. Ce n'était qu'un coup de vent, après tout.

La salle était divisée en deux par de lourds piliers de granit de tel sorte à ce que la partie bibliothèque cache le caveau familial.
Il s'approcha d'un pas léger (et peu rassuré) des étagères poussiéreuses et commença à rechercher le livre qui l’intéressait.

Il ne lui fallut que peu de temps pour y arriver, et, alors qu'il était plongé dans les textes portés sur la nécromancie, il senti un soupir rauque se poser sur ses joues. Il releva lentement les yeux, qui se plantèrent avec effroi dans ceux de son père.
Il était là, devant lui, aussi mort que vivant.

Le fils laissa tomber le livre qu'il était venu chercher et se tétanisa sur place. Sa vision s'obscurcit quelques instants. Lorsque sa vision revint, le défunt Père n'était plus.

Longtemps, il resta immobile. Puis, ses muscles se relâchèrent.
Il attrapa précipitamment son livre et la hanse de la lanterne, mais elle lui glissa des mains lorsqu'il s'était retourné vers la sortie. Il traça sa route dans la pénombre sans regarder derrière lui malgré le fracas du verre mêlé à celui de la ferraille.
De retour au rez-de-chaussée, il verrouilla tous les cadenas, dans un état proche de la folie.

Qu'avait-il vu ? Était-ce réellement son père ? Avait-il rêvé ?
Il avait forcément halluciné ! Son père était mort et enterré.

Il lui fallut plusieurs minutes pour calmer son rythme cardiaque et regagner un semblant de raison.
Était-ce une manière de se comporter pour un Seigneur ? Son esprit fatigué lui a joué un mauvais tour, voilà tout. Une bonne nuit de sommeil ne lui fera que du bien.

Malgré tout, il n'arriva pas à fermer l’œil de la nuit. Les yeux de son père le hantaient toujours.
Ils étaient si réels, si froid.

Que lui arrivait-il ? Est-ce que la maladie emportait sa raison ?
Ou bien, était-ce totalement autre chose ?